DNActu • Appel | Numéro • Revue Philosophia Scientiae – Undone Computer Science — La science informatique non-faite • 04/04/25

Appel | Numéro

Revue Philosophia Scientiae – Undone Computer Science — La science informatique non-faite
04/04/25

ℹ️ https://journals.openedition.org/philosophiascientiae/4512#tocfrom4n2

En tant que chercheurs, nous sommes engagés à faire avancer l’informatique de manière rigoureuse d’un point de vue à la fois épistémologique et éthique. Avec ce dossier thématique, nous proposons un espace pour explorer ces aspects de nos pratiques scientifiques. Nous appelons des contributions d’informaticiennes et d’informaticiens de tous horizons, ainsi que de philosophes et d’historiens et historiennes des sciences, de sociologues, et autres chercheurs, qui souhaitent explorer les dimensions éthique et épistémologique de la science informatique.

Afin de fournir un cadre directeur propice à la réflexion, nous proposons de décliner le concept de science non-faite (undone science) [1] à l’informatique. La notion de science non-faite désigne des questions de recherche qui sont négligées, ignorées ou non-financées bien que méritant d’être explorées. Il s’agit de rendre visibles des facteurs non scientifiques qui affectent la création et la diffusion de savoirs, ce qui mène à des biais quant au choix des recherches qui sont menées, et in fine à un « défaut systématique de création du savoir » [2].

Nous voudrions comprendre par exemple si la façon dont la science informatique est établie – ce qui inclut les différents aspects sociologiques et économiques de son développement – finit par laisser de côté des questions et des champs de recherches potentiellement cruciaux ; nous voudrions également comprendre ce qui ferait que certaines questions ou méthodes sont ignorées alors que d’autres sont favorisées. L’exemple de l’éthique de l’IA est marquant, rappelant effectivement certains des cas d’étude à fort impact social qui avaient motivé le concept analytique de science non-faite – cet exemple inclut ainsi l’influence industrielle dénoncée par certaines voix critiques [3], et le débat sur les exigences et les critères d’évaluation destinés à améliorer la recherche en agissant sur ce qui est financé et publié [4].

Mais la science non-faite peut aussi faire référence aux conséquences d’« engagements théoriques » [2], au travers des paradigmes dominants, quand ils engendrent une cécité collective sur ce qui est digne d’être exploré – alors même que les récits de changement de paradigme dans notre jeune science sont encore rares. Elle pourrait également faire référence aux biais techniques et méthodologiques, comme lorsque la disponibilité de certains logiciels ou matériels à un moment donné finit par décider quelle idée de recherche « gagne » [5], ou encore lorsque la précipitation à automatiser, dans la conception des algorithmes, perd de vue des perspectives précieuses par rapport à des approches alternatives où les individus sont impliqués dans l’exploration des données [6].

La science non-faite fait aussi référence à l’origine aux questions initialement identifiées par des acteurs de la société civile – le mouvement du logiciel libre et les organisations défendant les libertés publiques viennent naturellement à l’esprit dans le cas présent.

Nous faisons le pari que le concept de science non-faite, dans une acception large, peut faire apparaître certains aspects éthiques et épistémologiques de la recherche en informatique. Nous appelons à des contributions explorant le thème de science informatique non-faite, sans limitation de sujet ni de perspective.

Cet appel à contribution est en lien avec le colloque éponyme sur la science non-faite en informatique, qui s’est tenu à Nantes en février 2024, organisé par Guillaume Munch-Maccagnoni, Chantal Enguehard, Maël Pégny et Marc Anderson, avec le soutien de l’INRIA et de Nantes Université. Il n’est pas nécessaire d’avoir participé au colloque pour soumettre un article long. De plus, les auteurs d’articles acceptés pourront être invités à présenter leur travail lors d’une édition ultérieure du colloque.

 

Exemples de sujets

Il n’est pas requis d’être familier avec le concept de science non-faite pour proposer une contribution. Les sujets possibles incluent, sans y être limités :

  • Domaines de recherche en informatique faisant face à des défis qui ont requis ou devront requérir un changement de point de vue ; conditions responsables de la sur- ou sous-représentation de certains types de recherche ; raisons pour lesquelles un ensemble de questions est négligé dans un domaine.

  • Questions et défis épistémologiques, provenant par exemple du caractère interdisciplinaire de l’informatique, ou portant sur les articulations entre théorie et pratique ; explorations des valeurs de la science informatique.

  • Rôle des mouvements civiques et des organisations de la société civile (par exemple le mouvement du logiciel libre) dans l’identification de domaines de recherche négligés, dans la formulation de nouvelles questions, ou au contraire dans leur demande que certaines recherches ne soient pas poursuivies.

  • Défis de l’intégration de questions éthiques concernant les conséquences sociales, économiques et environnementales de notre travail au sein des procédés favorisant une bonne recherche. La discussion d’exemples concrets est aussi bienvenue, concernant l’introduction de certaines question éthiques dans un domaine, ainsi que les descriptions des modalités et des raisons de l’introduction de ces questions.

  • Utilité et limites des codes éthiques (comme par exemple celui de l’ACM) pour présenter de nouvelles questions dignes d’exploration ; de façon plus générale, comment des principes directeurs peuvent être mis en place pour enrichir les pratiques de recherche dans un domaine.

  • Exploration de l’influence des pratiques de publication au sein de notre communauté, des méthodologies de recherche les plus populaires, et des guides concernant la rédaction scientifique qui sont produits à l’intérieur de nos champs disciplinaires, vis-à-vis de la sélection, la conduite et la diffusion de la recherche.

  • Examen des biais et des limitations présents dans les cursus de formation qu’ils soient d’origine sociale ou méthodologique.

  • De manière plus générale, toute discussion sur la non-production et la non-diffusion systématique de la connaissance, dans un domaine particulier ou dans l’informatique en général, qu’elle soit historique ou d’actualité ; qu’elle soit due aux limitations des méthodologies disponibles, aux points aveugles des paradigmes dominants, aux biais institutionnels ou industriels, au manque de représentativité sociale, ou à tout autre facteur.

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