DNActu • Appel | Colloque • Penser le rapport à l’IA et aux technologies numériques : pouvoirs, résistances, innovations • 15/12/25

Appel | Colloque

Penser le rapport à l’IA et aux technologies numériques : pouvoirs, résistances, innovations :
Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement
15/12/25

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Les technologies numériques constituent un facteur central de mutation des sociétés contemporaines, l’intelligence artificielle représentant l’un de leurs vecteurs les plus significatifs. Elles sont à la fois porteuses de promesses d’innovation et de participation, et vectrices de dépendances, d’exclusions et de formes renouvelées de domination. L’objectif est d’explorer les tensions qui traversent les imaginaires, les usages et les enjeux de l’intelligence artificielle et des technologies numériques avancées, en croisant approches critiques, études de terrain et perspectives théoriques.

 

Les propositions pourront s’inscrire dans les axes suivants :

1. Gouvernance, circulation des savoirs, souveraineté des données

Cet axe interroge dans un premier temps la manière dont les technologies numériques façonnent les régimes de gouvernance et participent à la hiérarchisation ou à la circulation des savoirs. Les plateformes globales, dominées par quelques multinationales, exercent consciemment ou inconsciemment un pouvoir de sélection et de visibilité qui contribue à l’invisibilisation de savoirs locaux, de langues minoritaires ou de récits alternatifs. Dans le même temps, des expériences communautaires de gouvernance numérique montrent que des modèles de circulation des savoirs plus horizontaux sont possibles. Les communications pourront explorer la tension entre hégémonie et alternatives dans les politiques, dispositifs et infrastructures du numérique.

La fracture numérique dont il est question ne se réduit pas à l’infrastructure (accès à Internet, aux équipements), elle recoupe aussi des inégalités culturelles, linguistiques et épistémiques. Les technologies globales sont souvent conçues sans prise en compte des réalités locales, contribuant à marginaliser des communautés entières. Cet axe explore donc également comment ces fractures renforcent des exclusions déjà héritées du colonialisme. Les communications pourront également montrer comment des initiatives éducatives, culturelles ou citoyennes cherchent à réduire les inégalités. Les communications pourront, par exemple, analyser la faible connectivité dans les écoles rurales, l’absence de contenus numériques dans certaines langues, ou encore l’impact de l’exclusion numérique sur la participation civique et culturelle.

Cet axe invite par ailleurs à interroger les enjeux de souveraineté numérique : comment redonner aux communautés et aux États la maîtrise de la collecte, du stockage et de l’exploitation des données ? L’on peut regretter ce qui est appelé « colonialité des données » c’est-à-dire la captation massive des traces numériques par des acteurs globaux, souvent au détriment des pays du Sud. Cette situation pose un double problème : d’une part, elle limite la capacité des pays concernés à développer leurs propres stratégies de valorisation des données ; d’autre part, elle alimente une dépendance structurelle vis-à-vis d’acteurs privés transnationaux qui imposent leurs normes, leurs infrastructures et leurs logiques commerciales. Il s’agit donc de réfléchir à la mise en place de cadres de gouvernance qui garantissent la protection des données personnelles, la transparence des usages et l’accès équitable aux ressources numériques. Cela suppose aussi d’investir dans des infrastructures locales – centres de données, solutions de cloud souverain, réseaux sécurisés – qui soient adaptées aux contextes culturels, linguistiques et socio-économiques des pays du Sud. Quelles alternatives locales émergent pour construire des infrastructures respectueuses des droits, de l’éthique et des besoins locaux ?

2. Épistémologies et pédagogies critiques du numérique

Cet axe s’intéresse au dépassement de la vision techniciste de l’apprentissage numérique pour développer des capacités critiques, permettant d’interroger les logiques d’exclusion, de surveillance et de domination. Il invite à la réflexion à des pratiques éducatives et de recherche qui rendent les communautés actrices dans l’appropriation technologique. Les communications pourront analyser des expériences d’éducation populaire, d’universités communautaires ou de dispositifs participatifs de formation, où le numérique devient outil de conscientisation et de libération.

Mais cet axe vise également à susciter une réflexion autour des savoirs situés. Partant du constat des risques liés à la reproduction des biais culturels, linguistiques et sociaux, de surveillance accrue et d’extractivisme des données, il s’agit d’interroger les logiques d’inégalités et de marginalisation et en même temps que les formes de résistances et d’appropriations critiques du numérique et de l’IA. Il invite à explorer les alternatives possibles vers une IA éthique qui intègre des épistémologies et des valeurs issues des Suds. Les communications pourront porter aussi bien sur des approches théoriques que sur des études de cas, notamment dans les domaines de la gouvernance, de la santé, de l’éducation, de la culture ou des mobilisations citoyennes.

3. Innovation frugale et technodiversité

L’innovation frugale désigne la capacité à inventer des solutions efficaces dans des contextes de ressources limitées, souvent à travers le recyclage, le bricolage ou les pratiques collectives d’ingéniosité. Cet axe met en valeur des expériences comme les Fab Labs, les systèmes de paiement mobile ou encore les cartographies participatives autochtones. Ces pratiques permettent de repenser le numérique à partir des besoins situés et d’inscrire la technologie dans une logique d’autonomie, de justice sociale et de créativité populaire. Les communications pourront aborder ces initiatives comme des alternatives crédibles au modèle dominant d’innovation capitalistique et énergivore.

4. Activismes et résistances numériques

Les technologies numériques sont aussi utilisées comme instruments de résistance et de mobilisation politique. Cet axe s’intéresse aux pratiques d’activisme numérique qui mobilisent les réseaux sociaux pour contester les pouvoirs établis, revendiquer des droits ou construire de nouvelles formes de subjectivité collective. Il met également en lumière les stratégies de détournement ou d’infra-politique qui permettent à des groupes marginalisés d’utiliser le numérique comme espace de communication autonome, hors des logiques dominantes. Les contributions pourront analyser ces expériences comme des formes d’appropriation du numérique, productrices de contre-discours et de nouvelles pratiques de gouvernance citoyenne.

5. Cultures, savoirs endogènes et anthropologie de l’IA : pouvoirs, résistances et imaginaires

Cet axe propose d’interroger les usages de l’intelligence artificielle et des technologies numériques dans les domaines de la culture, des pratiques anthropologiques et des savoirs endogènes. Il s’agit de comprendre comment l’IA reconfigure la production culturelle, les dynamiques sociales et les formes de connaissance locales, tout en suscitant des résistances et de nouveaux imaginaires. Sur le plan culturel, l’IA transforme les modes de création et de diffusion des œuvres, tout en soulevant le risque d’une homogénéisation des imaginaires, comme l’ont montré Lev Manovich (2001) dans ses travaux sur la culture numérique et Shoshana Zuboff (2019) sur l’économie de la surveillance.

Dans une perspective anthropologique, il convient d’examiner comment les communautés locales s’approprient, détournent ou résistent aux usages imposés des technologies, rejoignant ainsi les approches de Clifford Geertz (1973) sur l’interprétation des cultures et de Tim Ingold (2011) sur l’anthropologie du vivant. Les innovations liées à l’IA rencontrent également les savoirs endogènes. Achille Mbembe (2020) et Souleymane Bachir Diagne (2011) insistent sur l’importance de penser des hybridations entre techniques contemporaines et pratiques traditionnelles (santé, agriculture, artisanat, rituels), ouvrant la voie à une réflexion sur des épistémologies africaines et situées.

Cet axe se veut aussi critique. Dominique Cardon (2015), Cathy O’Neil (2016) et Ruha Benjamin (2019) ont montré combien les algorithmes peuvent reproduire des biais, renforcer les inégalités et alimenter la surveillance. Pourtant, ces mêmes outils peuvent aussi servir à imaginer des alternatives éthiques, inclusives et locales.

Enfin, l’IA engage des prospectives et des imaginaires. Donna Haraway (1991) et Yuk Hui (2016) nous invitent à penser des futurs technologiques pluriels, non réductibles à une vision occidentalo-centrée, mais ouverts aux récits endogènes et aux mythologies locales. Ainsi, cet axe propose de croiser les regards sur l’IA à partir des cultures, savoirs endogènes et pratiques anthropologiques, afin d’en révéler les pouvoirs, les résistances et les horizons d’innovation.

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