Appel | Numéro
Les dimensions socio-écologiques du numérique, Revue « Hybrid », numéro 15
15/05/25
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Résumé
Sans prendre le numérique responsable pour seul cadre, nous observons que les différentes propositions conceptuelles visant à articuler questions sociales, environnementales et numériques ont pour dénominateurs communs trois présupposés : le numérique a un impact négatif sur l’environnement et il faut le réduire ; le numérique peut (servir à) avoir un impact positif sur l’environnement et il faut l’améliorer ; le numérique ne peut se départir de questions sociales qu’il faut pouvoir prendre en compte. Cet appel à articles de la revue Hybrid cherche à rassembler des travaux portant sur ces trois dimensions, séparément ou prises ensemble, ainsi qu’aux groupes, initiatives, objets et politiques qui se structurent autour d’elles et les mobilisent comme base pour l’action.
Annonce
Propos
Entre les années 2000 et 2010, la question des impacts du numérique est progressivement prise en compte aux niveaux professionnel, universitaire, associatif et politique. En informatique, les années 2000 voient la publication de travaux centrés sur la réduction du coût énergétique lié au fonctionnement ou à la fabrication des outils numériques, ainsi que de travaux visant à mobiliser des outils numériques pour réduire les coûts environnementaux d’objets, d’infrastructures et de systèmes de production (Hilty, Lohmann & Huang, 2011). En France, le groupement de service EcoInfo dédié à l’étude des impacts environnementaux du numérique est créé en 2012. Au cours de cette période et durant la décennie suivante, des travaux en sciences humaines et sociales s’emparent peu à peu de ces problématiques, notamment en abordant la dimension matérielle des infrastructures numériques et l’enjeu de la sobriété numérique (Flipo, Dobré & Michot, 2013 ; Lopez, 2022).
Les impacts environnementaux du numérique se traduisent d’abord négativement, par le calcul de l’empreinte carbone et de la consommation de ressources des infrastructures et dispositifs numériques, puis positivement, via la recherche de solutions numériques permettant par exemple d’économiser de l’énergie à l’échelle collective (Miller, 2020) ou de développer une agriculture plus respectueuse de l’environnement (Oui 2024). Dans cette perspective, la dimension sociale et politique du numérique est progressivement prise en compte, notamment par des travaux en sciences sociales portant sur les « travailleurs du clic » pour les IA (Casilli, 2019), les liens entre le consumérisme, l’obsolescence et le smartphone (Guien, 2021) ou des pratiques liées à sa réparation (Nova & Bloch, 2020).
Ces évolutions conceptuelles se traduisent sur le plan professionnel. Les termes de Green IT et IT for Green émergent dès le début des années 2000. En France, des groupes de travail se constituent et cherchent à obtenir une légitimité dans le domaine, en particulier grâce à la constitution de labels. Par exemple, l’association greenit.fr, créée en 2004, se définit comme « un lieu de réflexion sur les enjeux de la rencontre entre numérique et développement durable ». À la fin des années 2010, les questions autour du numérique et sa dimension socio-environnementale se cristallisent avec les formules « numérique responsable » ou « numérique écoresponsable » (Krieg‑Planque, 2009). L’Institut du Numérique Responsable, créé en 2018, propose une charte et un label « NR », et en 2024, le métier de « chargé de numérique responsable » est considéré comme un métier émergent par Numeum, un syndicat professionnel de l’industrie du numérique en France. Parallèlement, des formations en informatique et en ingénierie intègrent ces enjeux environnementaux, comme le montre le diagnostic de formation VERT Num réalisé en mai 2023.
Au niveau législatif, l’émergence de ce problème public (Neveu, 2015) fait l’objet de plusieurs rapports et feuilles de routes rédigés dans le cadre d’une mission interministérielle « numérique écoresponsable ». En 2021, ce travail d’analyse donne lieu au vote de la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique – dite loi REEN –, qui s’adresse aux consommateurs, aux collectivités locales et aux entreprises.
Sans prendre le numérique responsable pour seul cadre, nous pouvons observer que les différentes propositions conceptuelles visant à articuler questions sociales, environnementales et numériques (« sobriété numérique », « numérique responsable », « verdissement du numérique », etc.) ont pour dénominateurs communs trois présupposés :
- le numérique a un impact négatif sur l’environnement et il faut le réduire ;
- le numérique peut (servir à) avoir un impact positif sur l’environnement et il faut l’améliorer ;
- le numérique ne peut se départir de questions sociales qu’il faut pouvoir prendre en compte.
Cet appel à articles cherche à rassembler des travaux portant sur ces trois dimensions, séparément ou prises ensemble, ainsi qu’aux groupes, initiatives, objets et politiques qui se structurent autour d’elles et les mobilisent comme base pour l’action.
Les propositions d’articles pourront s’inscrire dans l’un ou plusieurs des axes suivants :
Axe 1 – Responsabiliser le numérique
La définition d’enjeux sociaux et environnementaux du numérique puis leur prise en compte débouche sur la création de concepts et d’outils qui visent à faire connaître ces enjeux et à influer sur des organisations ou des politiques publiques pour qu’elles intègrent ces enjeux en leur sein. Ce premier axe a pour but d’étudier ces concepts, ces outils, les groupes d’acteurs qui les promeuvent ou les transformations auxquelles ils donnent naissance pour comprendre sous quelles modalités le numérique est progressivement « responsabilisé ». Les contributions pourront également interroger les discours déployés par les acteurs tout comme la circulation de ces discours et leur éventuelle transformation.
Axe 2 – Faire avec, contre et sans le numérique irresponsable
La dimension « responsable », « sobre », « frugale », « éthique », « décroissante » du numérique est aujourd’hui minoritaire. Dans leur grande majorité, les politiques et infrastructures numériques soulèvent des questions écologiques, sociales et économiques auxquelles certains acteurs proposent de répondre en changeant de perspective par rapport au numérique. Qu’il s’agisse de se tourner vers des approches low tech ou no tech, de « démanteler » ou faire décroitre le numérique, ou encore d’utiliser les déchets du numérique ou d’en prendre soin à des fins de durabilité, ce deuxième axe propose d’étudier les différentes initiatives qui tentent de tirer part d’un numérique peu vertueux ou au contraire de s’en passer, et de porter une attention particulière aux pratiques et aux savoirs dont ces initiatives s’accompagnent.
Axe 3 – (Re)penser les dimensions socio-écologiques du numérique
La centralité du numérique et les questions qu’elle soulève conduit la recherche en sciences sociales à se doter d’outils méthodologiques et conceptuels pour l’étudier. À la suite de travaux traitant le numérique comme un « hyperobjet » (Morton, 2018), les infrastructures numériques polluantes comme des « communs négatifs » (Monnin, 2023) ou invitant à envisager des « numériques situés » (Nova et Roussilhe, 2020), cet axe vise à présenter des objets de recherche, des concepts et des méthodologies qui ont pour but de saisir et de mettre en lumière les dimensions socio-écologiques du numérique notamment au plan des enjeux de justice environnementale mais sans s’y limiter.
Modalités de contributions
2 formats d’intervention seront pris en considération :
- articles académiques (25 000 signes max chacun, paratexte compris) écrits en français ou en anglais ;
- travaux de recherche-création présentant des œuvres, des comptes-rendus d’atelier ou des projets de création (une vidéo et/ou des images et/ou 10 000 signes max chacun).
Chaque contribution doit être accompagnée du paratexte suivant :
- Une biographie de l’auteur ou l’autrice de la contribution de 800 signes maximum
- Un minimum de 5 mots-clefs afin d’optimiser le référencement de l’article
- Un résumé de 1500 signes max
- Une bibliographie (pour les articles) aux normes APA
ArTeC prendra en charge la traduction de chacun des articles acceptés pour la publication (du français vers l’anglais ou vice-versa). La revue sera publiée sur OpenEdition Journals en open access par les Presses universitaires de Vincennes.
Les articles sont à envoyer à l’adresse edition@eur-artec.fr
avant le 15 mai 2025.
Parution : avril 2026
Direction du numéro
- Laurence Allard : est maîtresse de conférences, sciences de la communication, Université Lille-Département Culture/IRCAV-Paris Sorbonne Nouvelle.
- Eleni Mouratidou, professeur en info-communication, Dicen-IDF – université Nanterre. Vice Présidente « Science et Société ; Communication ». Coresponsable du Master « Données, Société », département Information, Communication
- Marta Severo : co-directrice du Département Information-Communication / Directrice Adjointe du laboratoire DICEN-idf / Coordinatrice du FabPart-Lab.
- Mathilde Vassor : Doctorant(e) GRIPIC, science de l’information et de la communication – CELSA Sorbonne université
- Romain Videvoghel, doctorant, université Nanterre