B comme Blob

Auteur: Anne-Sophie Delaveau_

DOI : https://doi.org/10.48568/4q41-0q81

[Il est des mots qui cristallisent des pans entiers de la culture geeko-architecturale… Devenus tartes à la crème ou surannés, dans notre « abécédaires du numérique » nous mènerons notre enquête sémantique !]

 

Aujourd’hui, effrayant et déjà dépassé, le « BLOB » !

Tache, ensemble de données ou masse gluante ?

« The Blob » comme dans ce film de science-fiction de 1958 où le blob est une masse gluante, extraterrestre et hostile aux êtres humains… “Indescribable… Indestructible! Nothing can stop it!”

Bande Annonce du film « The Blob » (1958)

Apparaissant fréquemment dans la presse grand public et spécialisée, le mot blob possède des sens différents. En anglais, ce terme désigne une (grosse) goutte de liquide, une tache ou un pâté d’encre. Il a également un sens en informatique : selon Mario Carpo , historien de l’Architecture, il s’agit d’un acronyme (Binary Large Object) désignant « dans le langage des bases de données un large ensemble de données (le plus souvent des fichiers de sons ou d’images) qui doit être stocké dans la base et ne peut être interprété hors de celle-ci. » (Carpo ; 2001)

De l’informatique à l’architecture

Selon le critique Joseph Rosa (2003), ce serait Greg Lynn qui aurait utilisé en premier en 1995 ce mot par rapport aux Metaballs, objets géométriques produits par une technique infographique spécifique. Greg Lynn explique toutefois [1] avoir utilisé ce terme en référence non seulement à l’acronyme BLOB, mais aussi à un module du logiciel qu’il manipulait à ce moment-là (The Advance Visualizer [2]).

Forme dodue ou flasque, objet géométrique, image générée à l’ordinateur : le blob est un fourre-tout branché, bien commode, qui devient alors récurrent dans le langage des architectes et des journalistes. On est en 1995 et Greg Lynn regrette déjà d’en avoir lancé la mode [3] !

On voit d’ailleurs apparaître l’expression « blobitecture » pour regrouper facilement les édifices aux formes molles, conçus à l’ordinateur au tournant du 21ème siècle. Parmi les exemples les plus emblématiques de cette tendance, signalons le Pavillon de l’eau sur l’île de Neeltje Jans aux Pays-Bas (arch. NOX – Lars Spuybroek, 1994-97), la Korean Presbyterian Church (arch. Greg Lynn, 1995-99), le Kunsthaus de Graz (arch. Peter Cook et Colin Fournier, 2003), le magasin Selfridges de Birmingham (arch. Future Systems, 2003)…

Kunsthaus de Graz (arch. Peter Cook et Colin Fournier, 2003). « Kunsthaus Graz » par Weiko sous licence NY by CC 2.0

La photo ci-dessus illustre bien les questions que posent l’insertion d’un bâtiment « blob » dans un tissu urbain ancien.

« Graz 031 Blob architecture – Kunsthaus Graz » par Watz sous licence NY by CC 2.0

Conclusion blobesque

Avec le blob architectural, on tient là une expression imagée, récurrente dans les années 1995-2005, pour désigner une architecture joufflue conçue à l’ordinateur. Cela dit, le critère de sélection concerne davantage la forme perçue qu’une technique de modélisation numérique spécifique. Toutefois, le terme semble passé de mode : il n’apparaît désormais plus dans le langage des concepteurs pour décrire leur projet…

Pour citer cet article

Anne Sophie Delaveau, « B comme Blob », DNArchi, 14/12/11, <http://dnarchi.fr/culturenumerique/b-comme-blob/

 

Notes

[1] « J’ai été le premier architecte à utiliser le terme de ‘blob’, parce que c’était un terme informatique. Le logiciel WaterfrontTM [NDA : il s’agit en fait d’un logiciel de la société Wavefront. Cf. Note 2] comporte un outil de modélisation appelé « modéliseur de blob » – « blob » étant l’acronyme de Binary Large OBject. C’était un nuage de points reliés entre eux pour dessiner une forme. Je parlais à tout le monde de ces extraordinaires « modéliseurs de blobs », qui généraient des formes qui ressemblaient à des grosses taches. » Greg Lynn, Intricacy, University of Pennsylvania, Institute Of Contemporary Art, 2003. P 107

[2]http://www.iconeye.com/read-previous-issues/icon-005-|-september-2003/greg-lynn-|-icon-005-|-september-2003

Développé par la société Wavefront Technologies, « The Advanced visualizer » est un logiciel d’animation 3D, destiné à l’industrie du cinéma et particulièrement employé dans les années 80 et 90. Après la fusion de l’entreprise avec Alias, société canadienne d’infographie fondée en 1983, un nouveau logiciel d’animation 3D est commercialisé en 1996 : Maya.

[3] « Je parlais à tout le monde de ces extraordinaires « modéliseurs de blobs », qui généraient des formes qui ressemblaient à des grosses taches. Du coup, le terme est resté dans le monde du journalisme et dans les expositions, à un point tel que je regrette de l’avoir prononcé. » Lynn, Op. Cit. P107.

Bibliographie

Eva Kraus,Valentina Sonzogni, « L’espace dynamique de Greg Lynn », L’Architecture aujourd’hui n°349 (nov-déc 03) : pp. 104-109.

Mario Carpo, “Digital-Real.” Essai et compte rendu de l’exposition et livre Blobmeister, erste gebaute Projecte, P. CacholaSchmal (dir.), Deutsche Architektur Museum, Francfort, 2001. L’architecture d’aujourd’hui n°337, 2001. Pp. 24-26.

Joseph Rosa, Next generation architecture, Contemporary Digital Experimentation + The radical Avant-Garde, Thames & Hudson, London, 2003.

Peter Zellner, Hybrid space, new forms in digital architecture, Rizzoli, New York, 1999.

<http://www.iconeye.com/read-previous-issues/icon-005-|-september-2003/greg-lynn-|-icon-005-|-september-2003>

 

 

About author
Architecte (ADE) et doctorante en Architecture, j'appréhende la conception architecturale numérique en tant qu'activité stylistique.
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